Griboïedov

Contexte

Dans le chapitre 4 du Maître et Marguerite, après la décapitation de Berlioz, Ivan Biezdomny commence sa chasse du trio étrange qu’il avait rencontré à l’étang du Patriarche. Soudainement, et pour une raison peu évidente, il croit que l’étrange professeur doit être à la maison de Griboïedov, le point d’attache de l'association des écrivains Massolit. «À Griboïedov! C’est là-bas qu’il est, sans aucun doute». Il se dirige donc rapidement vers la maison des auteurs en ne portant que des sous-vêtements. Il essaie d'expliquer son accoutrement inhabituel aux gens qui sont présents en leur racontant l'histoire du jour, mais il est arrêté, ligoté et transporté à l'hôpital psychiatrique du docteur Stravinski.

Boulgakov était assez catégorique dans son jugement du club qui s'était installé dans la maison: «L’aménagement de Griboïedov par le Massolit était tel qu’on ne pouvait rien imaginer de meilleur, de plus confortable, de plus douillet. Quiconque entrait à Griboïedov devait tout d’abord, par la force des choses, prendre connaissance des avis et informations concernant divers cercles sportifs, ainsi que des photographies, individuelles ou en groupe, des membres du Massolit, qui couvraient (je parle des photographies) les murs de l’escalier conduisant au premier étage. Sur les portes de la première salle de l’étage supérieur, on pouvait lire une énorme inscription: 'Section villégiature et pêche à la ligne', sous laquelle était représenté un carassin pris à l’hameçon'.»

Prototype

Boulgakov décrit le Дом Грибоедова [Dom Griboïedova] ou la maison de Griboïedov comme une «demeure à un étage, aux murs de couleur crème» sur le boulevard de la Ceinture à Moscou.

La personne réelle donnant son nom à la maison dans le roman est Aleksandr Sergueïevitch Griboïedov (1795-1829), l'auteur d'une des pièces de théâtre russes les plus réputées, Горе от ума [Gorie ot ouma] ou Le Malheur d'avoir de l’esprit. Mais la maison de Griboïedov n'a jamais vraiment existé. En suivant l'itinéraire décrit par Boulgakov, nous arrivons au boulevard Tverskoï n° 25. À cet endroit, il y a une maison qui correspond à la description du roman: la maison Herzen, lieu de naissance d’Aleksandr Ivanovitch Herzen (1812-1870), un autre auteur russe.

Aleksander Ivanovitch Herzen
Aleksander Ivanovitch Herzen

Le rôle de la maison de Herzen originale correspond au rôle de la maison de Griboïedov dans le roman. Cette maison était l'adresse de nombreuses organisations littéraires.

La première organisation fut la Российская Ассоциация Пролетарских Писателей (РАПП) [Rossiskaïa Assotsiatsia Proletarskikh Pisateleï (RAPP)] ou l’Association russe pour les auteurs prolétaires. En outre, il y avait la Московская Ассоциация Пролетарских Писателей (MAPP) [Moskovskaïa Assotsiatsia Proletarskikh Pisateleï (MAPP)] ou l’Organisation des auteurs prolétaires de Moscou et la Литературная Организация Красной Армии и Флота (ЛОКАФ) [Literatournaïa Organizatsia Krasnoï Armi i Flota (LOKAF)] ou l’Union littéraire de l'Armée rouge et de la marine. Les noms de ces organisations n'étaient pas vraiment inhabituels: beaucoup d'abréviations hideuses étaient communément utilisées en Union soviétique. Boulgakov a basé son Massolit fictif sur le RAPP et le MAPP.

Dans le roman, Boulgakov ne donne aucune explication pour l'abbrevation Massolit. Mais cela pourrait être Мастера Социалистической литературы [Mastera Sotsialistitcheskoï literatoury] ou Maîtres de la littérature socialiste ce qui peut avoir été inspiré par les Мастера Коммунистической Драмы (Масткомдрам) [Mastera Kommounistitcheskoï Dramy (Mastkomdram)] ou Les Maîtres du drame socialiste, une organisation qui existait réellement dans les années '20.

La maison Herzen
La maison Herzen

Restaurant d'auteurs

Jusqu'à 1931 il y avait un restaurant d'auteurs dans la maison Herzen. Vladimir  Vladimirovitch  Maïakovski (1894-1930) l'a critiqué lourdement dans son poème satirique La Maison de Herzen. De 1925 à 1931, ce restaurant fut dirigé par Iakov Danilovitch Rozental (1893-1966), surnommé la Barbe, qui fut le prototype du personnage d'Archibald Archibaldovitch dans Le Maître et Marguerite.

Le 2 avril 1928, le journal letton Сегодня [Segodnia] ou Aujourd'hui a écrit un article sur la maison Herzen, qui correspond fort à la manière dont Boulgakov a décrit la maison de Griboïedov dans Le Maître et Marguerite: «Le sous-sol de la maison Herzen ressemble à un café à Paris. Les murs et les rideaux sont peints de paons anguleux et de perroquets [...] Le maître d'hôtel Iakov Danilovitch est un bel homme et sa barbe en amène beaucoup à ravir! Quelqu'un frappe frénétiquement les touches du piano. Charleston! Avec leurs couteaux ils battent rythmiquement sur leurs assiettes, un hurlement de cris, un sifflet et... à la mode: «Alléluïa!» Le poète Ivan P. marche entre les tables avec une agilité acrobatique. Il applaudit. A la porte de la maison, les chauffeurs de taxi ramassent les couples, le troupeau se déplace...»

Institut littéraire

Depuis 1930 la maison abrite le Литературный институт имени А. М. Горького [Literatourny institout imeni A.M. Gorkogo] ou l'Institut littéraire Maksime Gorki, où des auteurs en herbe sont formés. C’est dans ce contexte, qu’on peut expliquer les mots suivants de Koroviev du chapitre 28: «C’est un plaisir de penser que sous ce toit se cache et mûrit une masse de talents». À quoi Behemoth répond: «Comme des ananas dans une serre». Après cet échange, ils discutent avec la citoyenne Sophia Pavlovna sur leurs certificats et sur l'immortalité de Dostoïevski, ils sont attaqués par la NKVD, et ils mettent le restaurant en feu.

La maison Herzen
La maison Herzen

 

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