Des nouvelles de Yalta

Le théâtre des Variétés

Le Театр Варьете [Teatr Variete] ou théatre des Variétés est un bâtiment fictif. L'idée est inspirée du Music-hall de Moscou des années '20, qui était situé à la place Triumfalnaïa, où maintenant est situé le Théâtre de Satire, à quelques pas à peine du numéro 10 de la rue Bolchaïa Sadovaïa.

Le théâtre des Variétés
Music-hall de Moscou en 1936

Dans les premières versions du Maître et Marguerite, le théâtre des Variétés avait un nom différent: il s'appelait alors Театр Кабаре [Teatr Kabare] ou théâtre Cabaret.

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Varienoukha

Le nom Varienoukha vient du mot варение [varenie], ce qui signifie brasser. Varienoukha est également le nom d'un cocktail ukrainien fait de miel, de baies et d’ épices qu'il faut faire bouillir dans de la vodka.

Contrairement des Russes, qui exigent de vodkas froides, les Ukrainiens préfèrent des vodkas chaudes parce que, comme ils l'expriment si pittoresquement: «ils font fleurir un oeillet dans votre estomac». Pendant les siècles la varenoukha – ce qui signifie bouilli – était la boisson préférée des Cosaques, parce qu'elle «alimentait leurs corps de guerrier pendant la journée et les rendait joyeux la nuit».

Quelques verres de varenoukha
Quelques verres de varenoukha

Télégramme urgent

Dans le texte russe est écrit: «Сверхмолния вам. Распишитесь»[Sverkhmolinia vam. Raspichites]. Cela signifie: «Un super-éclair pour vous. Signez là». Le mot «télégramme» n'est pas utilisé, parce qu'un russe sait de quoi il s'agit.

En Union soviétique, et surtout dans le temps de Staline, il était commun de décrire les réalisations des organisations publiques – et donc celles des services télégraphiques – de façon exagérée et extrêmement positive. Boulgakov n’a pas eu à changer grand-chose pour le parodier. Le super-éclair était seulement un peu plus que le terme éclair qui était réellement utilisé par les services postaux pour décrire un télégramme. Varienoukha verra un éclair bientôt en tout cas.

Le faux Dimitri - l’imposteur de Yalta

Un imposteur est une personne qui prend, d'une façon illégale, l'identité, l'autorité ou les possessions de quelqu'un d'autre. La Russie a connu trois imposteurs de cette sorte dans l'Interrègne, indiqué en russe comme le Смутное время [Smoutnoïe vremia] ou le Temps de Troubles.

Le Temps de Troubles est la période de 1604 à 1613, qui a été la période la plus turbulente dans l'histoire de la Russie avant la révolution russe. Après la mort du tsar Fédor I Ivanovitch (1584-1598), le fils imbécile d'Ivan le Terrible (1530-1584), c'était Boris Godounov (1551-1605), le beau-père de Fédor, qui devint tsar en 1598. Un autre fils d'Ivan le Terrible, Dimitri Ivanovitch (1581-1591), était mort d'un coup de couteau, dans des circonstances mystérieuses sept ans avant, quand il avait dix ans.

Boris Godounov
Boris Godounov

Après cela, trois «faux Dimitri» se sont présentés. Le premier était Grigori Otrepiev (†1606) qui était en réalité un moine ambitieux. Il a vraiment réussi, avec le soutien des polonais, des cosaques et des paysans, à devenir le tsar Dimitri I le 30 juin 1605. Il mourut assassiné un peu moins d’un an plus tard.

En 1608 un deuxième faux Dimitri, soutenu par les polonais, les allemands et les cosaques, a essayé de nommer un tsar disposé aux polonais à Moscou. Quand une partie importante de son armée de 100.000 troupes passa du côté de Sigismund III (1566-1632), il prit la fuite. Son nom réel n'a jamais été connu mais on suppose qu’il était le fils d'un prêtre ou d'un Juif converti. Il fut surnommé le voleur de Touchino.

Le troisième faux Dimitri, dont on suppose qu'il était un doyen appelé Sidorka, se couronna lui-même, avec le soutien des Suédois, comme tsar Dimitri Ivanovitch II le 28 mars 1611 et celui-ci a réussi à obtenir le soutien de certains cosaques en 1612. Mais les cosaques provoquèrent des troubles à Moscou et il fut arrêté le 18 mai 1612 et exécuté par les commandants à Moscou.

Les faux Dimitri étaient aussi appelés Pseudo-demetrius (Latin), Lziedmitri (Dimitri le trompeur) ou Dimitri Samozvanets (Dimitri, le souverain auto-déclaré).

Le Temps de Troubles se termina le 21 février 1613 avec l'élection du tsar Mikhail Fédorovitch Romanov (1596-1645), le premier tsar de la dynastie des Romanovs, qui règnera sur la Russie jusqu'à la révolution en 1917. L'abdication du tsar Nicolas II le 15 mars 1917, à la suite de la Révolution de Février, mettra fin à 304 ans de règne Romanov, établissant la République russe sous le Gouvernement provisoire russe, ce qui conduisit rapidement à la Guerre civile russe. En 1918, le tsar et sa famille ont été exécutés par les bolcheviks et les 47 survivants de la maison des 65 membres de la maison Romanov se sont exilés à l'étranger.

Rochers, mon abri...

«Starrender Fels, mein Aufenthalt…» ou «Rochers menaçants, mon abri…»sont les paroles de la cinquième chanson de la collection de chansons Schwanengesang (Chant du cygne), écrit par Franz Schubert (1797-1828). Les paroles ont été écrites par Ludwig Rellstab (1799-1860) et ont été inspirées par le drame Faust de Johan Wolfgang von Goethe (1749-1842).

Porte ça toi-même. Eux, ils s’en débrouilleront

«Ça, c’est vraiment pas bête!» pensait Varienoukha quand Rimski donnait ces ordres. Une autre référence oblique à la police secrète. En lisant cela, le lecteur devrait reconnaître le style...

Monsieur est occupé

Dans le texte russe le mot Monsieur n’est pas utilisé. Mais la traduction est tout à fait correcte. Varienoukha demande à parler à Woland et la réponse est: «Они заняты» [Oni zaniaty] ou «Ils sont occupés», au pluriel. L'escorte de Woland utilise souvent la forme plurielle pour s'adresser à lui. C'était une façon un peu archaïque de montrer le respect, comme la forme française «vous» ou le pluriel majestueux «nous». Il n'a plus été utilisé en Russie après la Révolution.

Une tchébouretchnaïa à Poushkino

Poushkino est une ville située à 29 km de Moscou, connu pour ses datchas. Il y avait un théâtre d'été où Anton Pavlovitch Tchekhov (1860-1904) a répété avec le théâtre d'Art de Moscou.

Une чебуречная [tchébouretchnaïa] est un restaurant spécialisé dans la préparation de чебуреки [tcheboureki], une sorte de crêpes délicieuses caucasiennes pliées et farcies de viande.

Dans la traduction anglaise de Michael Glenny et dans la traduction néerlandaise de Marko Fondse, la tchébouretchnaïa est décrite comme un restaurant turc. Les traducteurs anglais Richard Pevear et Larissa Volokhonsky parlent d'une taverne georgienne.

La tchébouretchnaïa Yalta à Pouchkino a vraiment existé. Dans une publicité dans un journal à cette époque, le restaurant s'est décrit comme le лучший загородный ресторан [loutchchi zagorodni restoran] ou le meilleur restaurant rustique.

La tchébouretchnaïa Yalta à Pouchkino
La tchébouretchnaïa Yalta à Pouchkino

Cama... citoy...

Varienoukha ne sait pas comment s’adresser à ses attaquants. Les formules de politesse sont importantes en Union soviétique. Les soviets entre eux utilisaient le mot «camarades» pour autant qu'ils n'aient été soupçonnés d'un crime, dans ce cas ils devenaient des «citoyens».

Vous pouvez lire plus sur comment les Russes s'adressent dans la section Context de notre site web en cliquant la flèche ci-dessous.

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Une jeune fille rousse complètement nue

La femme aux cheveux roux est Hella, une femme vampire. Ses mots «Laisse-moi t’embrasser» sont évocateurs du femme vampire dans l'histoire Упырь (Oupir), ou Le vampire, écrit par Aleksei Konstantinovitch Tolstoï (1817-1857), le neveu de Léon Nikolaïevitch Tolstoï (1828-1910) qui est mieux connu. La femme vampire embrasse un des héros et ainsi le transforme en vampire.

Hella est donc une femme vampire. De ses annotations nous savons que Mikhaïl Boulgakov a trouvé son nom dans le Энциклопедический словарь Брокгауза и Ефрона [Entsiklopedeski Slovar Brokhauza i Efrona] ou le Dictionnaire encyclopédique Brockhaus et Iefron, une œuvre de 86 volumes, qui peut être considérée comme l'équivalent russe de la fameuse Encyclopédie Britannica. Sous le mot-clé Чародейство [Tcharodeïstvo] ou magie ou sorcellerie, il a trouvé que Lamia, Empouza et Hella étaient les noms qui étaient donnés sur l'île grecque de Lesbos aux filles qui sont mortes trop tôt et qui sont devenues des vampires après leur mort..

Dans les versions antérieures du Maître et Marguerite, cependant, cette рыжая голая [ryjaïa Golaïa] ou rousse nue avait un autre nom. Elle s'appelait Marta.

Le psychologue et traducteur russe Valeri Konstantinovitch Merchavka (1957) pense que cette Marta a été inspirée par Sofia Lvovna Perovskaïa (1853-1881). Perovskaïa était un membre éminent de l'organisation révolutionnaire socialiste Народная воля [Narodnaïa volia] ou La Volonté du peuple. Elle a participé à trois tentatives d'assassiner le tsar Aleksandr II (1818-1881). La dernière tentative a réussi, après quoi Perovskaïa a été condamnée à mort par pendaison. Cette méthode d'exécution serait une explicaton pour la багровый шрам [bagrovi chram] ou la cicatrice rouge sur le cou de Marta, et aussi sur le cou de Hella.

Sofia Lvovna Perovskaïa
Sofia Lvovna Perovskaïa

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